Art, philosophie et belles rencontres
Du 18 mars au 7 avril 2017 s’est tenue à l’Alliance Française de Jacmel, à l’initiative de la Directrice Nadège Slagmulder, l’exposition « peinture live », une impressionnante fresque éphémère réalisée par un collectif d’artistes jacmeliens. L’occasion pour les élèves de la classe de terminale spécialité philosophie du Centre Alcibiade Pommayrac de venir admirer l’œuvre et de rencontrer les artistes, accompagnés de leur professeur Catherine Collilieux, volontaire française chargée de mission pédagogique.
D’ordinaire blancs et uniformes, les murs de la salle d’exposition de l’Alliance Française de Jacmel se sont parés, l’espace de quelques semaines, de couleurs bigarrées et de formes insolites. Le résultat d’une journée de travail intense où une dizaine d’artistes de la ville ont uni leur talent et leur énergie pour créer une œuvre composite et baroque. Il y avait là un formidable matériau à exploiter pour sensibiliser les huit élèves de ma classe de spécialité philosophie du Centre Alcibiade Pommayrac aux richesses de l’art haïtien et pour stimuler leur réflexion sur les concepts d’art et d’œuvre d’art. Grâce à la bienveillance et au dynamisme de la Directrice de l’Alliance jacmelienne, Nadège Slagmulder, une visite très spéciale a ainsi pu être organisée.
Les futurs bacheliers ont en effet planché durant le mois d’avril sur la notion philosophique d’art et étaient ravis de pouvoir se confronter à cette œuvre hors-norme, d’autant plus que deux des artistes du collectif, Mr Vadi Confident et Mr Garibaldi Jean, étaient présents sur place pour une visite guidée de l’exposition. Ces derniers ont fourni aux élèves, attentifs et concentrés, les
clés de compréhension de l’œuvre et leur ont expliqué en quoi consistait leur travail d’artiste.
Durant une heure, le dialogue va bon train entre les deux peintres et les lycéens. Les principes généraux de la théorique des couleurs sont évoqués, ainsi que les grands maîtres : Vassily Kandisky, Keith Haring, Jean-Michel Basquiat. De l’abstraction géométrique à l’art underground new-yorkais des années 80, les références à l’histoire de l’art se multiplient et permettent aux élèves de se sensibiliser à cette discipline qu’ils n’ont malheureusement pas l’occasion d’aborder au cours de leur scolarité. Les questions et les réflexions fusent : une œuvre d’art doit-elle nécessairement être belle et figurative ? Le beau peut-il avoir une prétention à l’universalité ? Quelle est la valeur d’un jugement de goût ? L’échange permet également à Vadi et Garibaldi de critiquer plusieurs préjugés tenaces concernant les artistes, souvent considérés d’un mauvais œil par une société haïtienne prompte à leur associer une éthique de vie pour le moins folklorique !
La visite se conclut en beauté par un petit atelier de pratique artistique : là encore, une première pour les élèves du CAP qui s’échangent crayons et aquarelles avec un enthousiasme évident. La journée s’achève sur un dernier coup de pinceau. L’art est un pays fertile : comme le soulignait Paul Klee dans Théorie de l’art moderne, il ne reproduit pas le visible, il rend visible. Gageons que cette belle rencontre aura permis à nos huit lycéens de repartir enrichis et capables de poser un regard neuf et éclairé sur le monde.
Catherine COLLILIEUX
Chargée de mission pédagogique pour le Ministère des Affaires Etrangères
Professeur de Philosophie et de Littérature au Centre Alcibiade Pommayrac de Jacmel