La Résidence de France
La Résidence de France à Port-au-Prince a longtemps été installée dans une grande demeure connue sous le nom du « Manoir des Lauriers » qui était réputée pour être l’une des plus belles du continent américain. La Manoir a malheureusement été totalement détruit par le séisme du 12 janvier 2010.
La Résidence de France est dorénavant installée dans le quartier de Bourdon.
1- Qu’est ce qu’une Résidence de France ?
Dans tous les pays où la France est représentée par un Ambassadeur, la « Résidence de France » est à la fois le domicile de ce dernier, un espace d’accueil sécurisé pour les personnalités françaises de passage et un outil indispensable pour le travail diplomatique et consulaire.
Une Résidence est composée d’un espace privatif réservé à l’Ambassadeur, d’un espace pour loger des invités, et d’un espace de réception pour l’organisation d’évènements.
2- Le Manoir des Lauriers
2.1- Présentation
Situé au sommet d’une petite colline, à environ 15 min en voiture du centre de Port-au-Prince, le Manoir des Lauriers était une somptueuse demeure de 3 niveaux entourée d’un grand parc de plus de 8 hectares.
Le bâtiment principal comprenait un rez-de-chaussée, un étage entouré par des galeries ouvertes et surmonté d’une terrasse couverte.
- Rez-de-chaussée du Manoir des Lauriers
2.2- Histoire
Le Manoir des Lauriers avait été construit vers 1927 pour un homme d’affaire américain, M. Edgar Elliott, qui avait souhaité lui donner le cachet des demeures coloniales du sud des Etats-Unis.
Il avait fait appel pour cela à l’architecte Georges Baussan qui n’était autre que l’architecte haïtien du Palais National livré quelques années plus tôt. Le Manoir sera construit de manière similaire : en béton armé.
La propriété pris son nom aux très nombreux lauriers roses sauvages qui embellissaient son jardin.
La demeure, ainsi qu’un terrain attenant ont été rachetée à son premier propriétaire par le Président Elie Lescot en novembre 1941. Ce dernier souscrivit un prêt hypothécaire auprès de la Banque nationale de la République d’Haïti (BNRH) pour en financer l’acquisition mais sans doute, également, pour financer l’opposition démocratique au dictateur dominicain Rafael Trujillo.
Chassé du pouvoir par un coup d’Etat en 1946, M. Lescot n’était plus en mesure de payer ses traites car tous ses biens avaient été placés sous séquestre par le nouveau gouvernement.
Soucieuse de protéger son investissement et de confier le coûteux entretien du Manoir à un tiers, la BNRH propose alors à la France de prendre en location le bâtiment et ses terrains à titre provisoire.
- Titre de location du Manoir des Lauriers à l’ambassade de France
La mission diplomatique française recherchait alors une nouvelle résidence : cette entente fut donc scellée fin 1946.
Deux ans plus tard, la BNRH, que M. Lescot ne pouvait toujours pas rembourser, faisait savoir qu’elle envisageait de mettre ce bien immobilier aux enchères. La France souhaitait s’en porter acquéreur, mais craignait que les offres pour cette demeure prestigieuse atteignent des sommets en cette période de frénésie immobilière sur la place de Port-au-Prince.
Qui plus est, elle ne voulait pas profiter de la situation pour déposséder un ancien chef de l’Etat qui avait été son allié pendant la seconde guerre mondiale.
Un agent honoraire du service commercial de l’Ambassade de France imagina alors une autre stratégie : s’entendre directement avec M.Lescot, en exil au Canada, pour lui racheter le Manoir Lauriers à un prix suffisant pour qu’il puisse rembourser sa dette à la BNRH et vivre dignement à l’étranger, mais inférieur à celui qui risquait d’être atteint pendant d’éventuelles enchères.
Les archives du Quai d’Orsay attestent que ce diplomate était M.Marcel Kieffer, frère de Phillipe Kieffer, français d’Haïti qui s’était illustré pendant la seconde guerre mondiale à la tête du 1er bataillon de fusiliers marins commandos.
Ce scénario fut accepté par le gouvernement haïtien de l’époque, moins hostile au Président Lescot que le précédent.
Après plusieurs mois de tractations, un accord fut trouvé avec l’ancien chef de l’Etat, moyennant un arrangement comptable inhabituel (trois paiement dans deux monnaies différentes et deux pays distincts) : le 27 juin 1951, la France devenait propriétaire du Manoir des Lauriers et de son terrain en échange d’un versement de 100 000 dollars américains.
Au fil des années cette vaste propriété devint l’un des principaux symboles de la présence française en Haïti.
Elle a aussi été au cœur de l’actualité pendant certaines périodes troublées de l’histoire récente : on retiendra par exemple que, après le coup d’état de 1991, elle servit pendant plusieurs mois de refuge à une quarantaine de personnes menacées par la dictature militaire : des membres du gouvernement, des hauts fonctionnaires, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que leurs proches. Une initiative qui valut à l’Ambassadeur Jean-Rafaël Dufour d’être déclaré persona non grata par la junte.
2.3- Séisme du 12 janvier et démolition
Le Manoir des Lauriers s’est effondré sous les effets du séisme du 12 janvier 2010.
Le rez-de-chaussée de la maison s’est retrouvé complètement écrasé sous le premier étage et le manoir a été rasé quelque mois plus tard.
Une employée de l’Ambassade se trouvait dans une chambre à l’arrière de la Résidence : grièvement blessée, elle a été extirpée des décombres par ses collègues.
- Le Manoir des Lauriers après le séisme
Le terrain de la Résidence a constitué le point de regroupement des réfugiés français qui souhaitaient quitter le pays et a servi de base arrière aux sauveteurs et gendarmes français venus apporter leur appui en Haïti.
- Le Manoir des Lauriers, point de regroupement des français après le séisme
Jusqu’à 1500 personnes y ont séjourné en même temps, sous tentes.
Utilisation actuelle du site
Après que le site se soit peu à peu vidé des réfugiés et des sauveteurs et gendarmes, une vingtaine de logements préfabriqués ont été installés sur le site de l’ancien Manoir pour y loger les agents expatriés de l’ambassade de France, dont la plupart avait perdu leur logement au cours du séisme.
3- La Résidence des Orangers
Suite à la perte du « Manoir des Lauriers », l’Etat français a pris en location une villa pour y installer la Résidence de France. Cette villa est située sur les Hauts de Turgeau. Elle est connue sous le nom de la « Résidence des Orangers ».
Il s’agit d’une bâtisse construite en 1978 sous le signe d’une résurrection tardive du style « Gingerbread ». Ce style architectural bien connu à Port-au-Prince correspond à des maisons très élégantes construites vers la fin du XIXème et au début du XXème siècle à base de pan de bois ou de maçonnerie de moellons et de brique. Il s’agit d’un style unique et original correspondant à une véritable synthèse de solutions architecturales adaptées au climat local et à la culture haïtienne.
4- L’actuelle Résidence de France
Début 2014, la Résidence de France a quitté le Manoir des Orangers pour une villa située dans le quartier de Bourdon.
Plus grande et plus fonctionnelle, elle permet de doter la France d’un véritable outil de représentation.